Guillaume d’Occam : son attitude politique

Guillaume d’Occam : son attitude politique
Guillaume d’Occam : son attitude politique
    Les doutes que l’on pouvait tirer de l’enseignement de Duns Scot s’accentuent encore chez Guillaume d’Occam malgré tous les traits qui opposent le nominalisme, pris en lui-même, au scotisme. Né vers la fin du XIIIe siècle à Occam, bourg du Survey, il entre assez jeune dans l’ordre des Franciscains ; il est possible mais non pas sûr que, jusqu’en 1324, il ait enseigné à Oxford et à Paris. En 1324, il est cité à Avignon, devant le pape Jean XXII, pour hérésie ; en 1328, il prend parti pour le général de son ordre, Michel de Césena, dans une discussion sur la pauvreté du Christ ; Michel avait refusé d’adhérer à une bulle où Jean XXII proclamait que Jésus et les apôtres avaient possédé des biens en toute propriété ; Guillaume, menacé d’arrestation, dut s’enfuir d’Avignon avec Michel et se réfugier en territoire impérial, à Pise ; de là, les Franciscains écrivent une protestation en appelant du pape au futur concile. Guillaume reste alors près de l’empereur Louis de Bavière, qu’il accompagne à Munich : c’est à cette époque qu’il écrit tous ses pamphlets politiques contre le pape, entre autres le traité De dogmatibus Johannis XXII papae (1333), où il le déclare hérétique ; les Allegationes de potestate imperiali (1338), où il défend le décret impérial qui décide que l’élection suffit à faire l’empereur, sans la consécration du pape ; le Dialogus (1345), enfin le De imperatorum et pontificum potestate, et le De electione Caroli IV, l’empereur élu en 1346 sous la pression du pape. Au milieu de ces luttes très dures et sans fin, Guillaume mourut à Munich en 1348.
    Il avait composé sans doute déjà à Oxford un Commentaire sur les Sentences, où sa doctrine philosophique se trouve tout entière ; de la même époque datent sans doute sa première œuvre logique Expositio aurea et les Summulae in libros Physicorum. A sa période de maturité, celle de Munich, appartiennent le Centilogium theologicum, exposé net et bref de cent thèses théologiques, la Summa totius logicae et diverses œuvres physiques (Quaestiones in octo libris Physicorum, Expositio Physicae, Quaestiones super libros Physicorum).
    Son œuvre politique s’efforça de séparer la juridiction du pape et celle de l’empereur : « L’autorité du pape ne s’étend pas, selon la règle, aux droits et aux libertés d’autrui, pour les supprimer ou les troubler, surtout à ceux des empereurs, rois, princes et autres laïcs, parce que des droits et des libertés de ce genre sont au nombre des choses du siècle et que le pape n’a pas autorité sur elles... C’est pourquoi le pape ne peut priver personne d’un droit que l’on tient non de lui, mais de Dieu, de la nature ou d’un autre homme ; il ne peut priver les hommes de libertés qui leur ont été concédées par Dieu ou par la nature. » Ainsi, dans la source du droit, Guillaume admet, de Dieu (ou de la nature) à l’homme, une relation directe qui ne passe pas par l’intermédiaire de l’Église ; l’Église, où l’autorité souveraine est non le pape, mais le concile, n’a à s’occuper que de la destinée surnaturelle de l’homme.
    Cette dissociation entre les choses de la foi et les choses du siècle ruine une idée de la chrétienté, fondée sur la dépendance hiérarchique de toutes les formes sociales à l’égard de l’Église. Si l’aristotélisme thomiste avait introduit l’idée d’une nature qui agit selon ses règles propres, Guillaume va beaucoup plus loin en confiant à cette nature une sorte de droit tout aussi divin et aussi directement rattaché à Dieu que le droit de la religion. Ainsi sépare-t-il la foi de la raison. Les titres même des questions de ses Quodlibet expriment des doutes sur la possibilité de lier philosophie et théologie : « Peut-on prouver par la raison qu’il n’y a qu’un seul Dieu ? Peut-on prouver par la raison naturelle que Dieu est la première cause efficiente de toute chose et qu’il est doué d’une puissance infinie ? Est-ce la même vérité sur Dieu qui peut être prouvée en théologie et en physique ? » Ainsi le monothéisme et la toute-puissance de Dieu pourraient n’être que des vérités de foi, inaccessibles à la raison ; la science de Dieu et la science de la nature pourraient suivre des voies si différentes qu’elles n’arriveraient jamais à rencontrer la même vérité ; il n’y a entre elles ni pénétration comme le rêvait saint Anselme, ni hiérarchie comme le pensait saint Thomas.

Philosophie du Moyen Age. . 1949.

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